"Urbaniste, j’ai obtenu le concours d’ingénieur territorial en 2019". Une exception qui confirme la règle

« Urbaniste, j’ai obtenu le concours d’ingénieur territorial en 2019 ». Une exception qui confirme la règle

Un adhérent du CNJU, chef de projet en collectivité territoriale, a réussi en interne le concours d’ingénieur territorial et témoigne de son expérience. Il s’agit d’une exception qui confirme la règle… Récit d’un parcours du combattant.


Depuis 2009, l’accès au concours d’ingénieur des urbanistes dans la fonction publique territoriale n’est plus accessible aux diplômés en urbanisme. A y regarder de plus près ce qui a été « supprimé » en 2009, c’est l’accès au concours externe, qui était dorénavant réservé aux titulaires d’un diplôme d’ingénieur (et encore j’ai pu constater lors de la prépa au concours que le jury faisait le tri entre les écoles d’ingénieurs…), d’architecte ou à ceux qui s’aventuraient dans le dépôt d’un dossier pour établir l’équivalence de leur diplôme s’ils réussissaient à démontrer son caractère « scientifique et technique »… La porte ouverte à l’arbitraire de la commission d’équivalence en charge de l’évaluation du dossier… surtout reflet de sa composition « scientifique et technique ».

Mais, l’accès au concours interne d’ingénieur territorial reste ouvert à tous ceux ayant effectué 4 ans de service public peu importe les conditions contractuelles de ces 4 ans : CDD ou fonctionnaire sur grade d’ingénieur, d’attaché ou de technicien. Encore faut-il avoir réussi à faire 4 ans de service public en enchainant les CDD ou autres contrats…

« Il est bien sûr prévu dans les deux concours des options « urbanisme » quand le concours externe n’est pas ouvert aux urbanistes… »

Quelles différences entre les deux concours ? Pour le concours externe : une épreuve d’admissibilité de note de synthèse sur corpus de documents suivi d’une épreuve d’admission constituée d’un entretien oral (et un oral facultatif de langue étrangère). Pour le concours interne : trois épreuves d’admissibilité dont 4h de mathématiques et physique (niveau bac+2), une note de synthèse sur corpus de documents et la réalisation d’un projet durant une épreuve continue de 8h, puis une épreuve d’admission constituée d’un entretien oral (et un écrit facultatif de langue étrangère). Il est bien sûr prévu dans les deux concours des options « urbanisme » quand le concours externe n’est pas ouvert aux urbanistes

Comment se préparer à un tel concours interne après un master d’urbanisme ? C’est là que le parcours du combattant commence car il faut réussir à passer l’épreuve de mathématiques et physique très dure avec la plupart des notions même pas abordées au lycée avec une 1e et une Terminale Scientifique… Inscription pour passer le test ouvrant droit à la formation du CNFPT en février-mars 2018. Passage du test en juin 2018. Résultat du test en juillet 2018. Préparation au CNFPT de novembre 2018 à mai 2019 : 20 jours de cours présentiels principalement en mathématiques et physique mais également 10 jours à distance pour préparer une dizaine de notes de synthèse et concours blanc en mathématiques, physique et projet… Épreuves d’admissibilité en juin 2019 (l’impression de passer le bac comme les lycéens). Résultats d’admissibilité en septembre 2019. Épreuves d’admission en novembre 2019. Résultats le 23 décembre 2019. Joyeux Noël !

Ravi d’avoir pu faire la démonstration qu’il était possible pour un urbaniste d’obtenir le concours d’ingénieur territorial, toute l’expérience m’a laissé un goût amer. Près de 2 ans de processus, plus de 30 jours en tout pour préparer et passer le concours, je ne peux m’empêcher de penser que cela a un coût trop élevé pour la société, autant de temps que je n’ai pas passé sur mes missions, mon métier, mon projet… La formation du CNFPT est pourtant bien organisée, elle prépare bien au concours et permet de se doter pleinement d’une culture de la fonction publique territoriale (FPT).

« Ravi d’avoir pu faire la démonstration qu’il était possible pour un urbaniste d’obtenir le concours d’ingénieur territorial, toute l’expérience m’a laissé un goût amer. »

Après 10 ans de carrière, toujours pas de contrat à durée indéterminée (les CDI étant très rares avec beaucoup de conditions dans la FPT), un différentiel de rémunération toujours existant entre attaché et ingénieur, il était nécessaire de se résigner à passer ce concours pour arrêter d’enchainer les CDD et ne plus être à la merci du cycle des mandats politiques qui s’accompagnent souvent de coupes sèches dans les contractuels en début de mandat. Mais je ne peux m’empêcher de penser à un gâchis de temps et d’argent d’autant qu’après le concours, la marche vers le titre de fonctionnaire n’est pas finie. Il faut demander sa « stagiairisation » (sic) à son employeur, qui arrive au bout de quelques mois. Le stage dure ensuite 1 an (au bout de 10 ans de travail il faut encore faire ses preuves). Et surtout le salaire en tant que contractuel a pu évoluer plus vite que la grille de salaire des titulaires, il faut donc concéder une baisse de rémunération pour devenir fonctionnaire, ce qui sera sûrement mon cas…

Alors que revendiquer ? La marche que je viens de décrire est évidemment bien trop étroite pour les plus de 20 000 urbanistes estimés dans la maitrise d’ouvrage publique dont nous avons besoin d’assurer la continuité et la stabilité des missions. Comment assurer la conception, la mise en œuvre et l’application de PLU intercommunaux (PLUi), de SCOT, de projets urbains, de politique de l’habitat à 10-15 ans quand la plupart d’entre-nous est recrutée depuis 10 ans en CDD de 3 mois, 6 mois, 1 an ou 3 ans maximum, alors que nos homologues dans le secteur privé acquièrent très vite des CDI. Comment assurer la continuité de nos missions par essence pluriannuelles ? Comment garantir la mise en œuvre par les collectivités la nécessaire transition écologique dont nous avons besoin et qui prendra plusieurs années ?


COMMENTAIRES CNJU :

En octobre 2013, le CNJU a pris acte de la décision du Ministère de la Fonction publique de ne pas revenir sur les conditions d’accès (diplôme d’ingénieur ou scientifique et technique) à la spécialité « urbanisme, aménagement et paysages » du concours d’ingénieur territorial de la fonction publique (voie externe). La reconnaissance des compétences professionnelles spécifiques des urbanistes au sein de la fonction publique doit être dissociée du titre d’ingénieur diplômé. C’est pourquoi le CNJU plaide pour la création d’un cadre d’emploi d’urbaniste territorial accessible « sur titre » pour les titulaires du diplôme national de Master Urbanisme et aménagement.

Cette position est partagée par les fédérations d’employeurs d’urbanistes signataires de la déclaration de Châtellerault en 2019 (télécharger ici) : l’Assemblée des Communautés de France (AdCF), la Fédération nationale des syndicats mixtes de SCOT (FédéSCOT), la Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU), la Fédération des entreprises publiques locales (FedEPL), la fédération nationale des CAUE, l’Association des Consultants en Aménagement et des Développement des territoires (ACAD) et la fédération des syndicats des métiers de la prestation intellectuelle du Conseil, de l’Ingénierie et du Numérique (CINOV).

La création d’un cadre d’emploi d’urbaniste territorial est justifiée par l’existence d’au moins 7 000 urbanistes diplômés travaillant au sein des collectivités locales. Professionnels de l’aide à la décision, ils concourent à la définition et à la mise en œuvre d’une politique publique majeure : l’urbanisme.

Ce cadre d’emploi doit être ouvert aux titulaires de la certification professionnelle d’urbaniste de référence : le diplôme national de Master mention Urbanisme et aménagement, enregistré au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).

Cette proposition fait aujourd’hui consensus parmi les fédérations d’employeurs d’urbanistes compte tenu des difficultés, persistantes depuis plus de dix ans, pour faire reconnaître les diplômes qualifiants des urbanistes au sein de la fonction publique territoriale (tant pour son accès et que pour les évolutions de carrières).

De manière plus générale, la prise en compte des certifications professionnelles de droit commun permettrait de construire des parcours professionnels qualifiants au sein de la fonction publique territoriale : accessibles par la formation continue, l’apprentissage ou la validation des acquis de l’expérience, les certifications professionnelles sont éligibles au compte personnel de formation (CPF).

L’accès sur certification professionnelle ou « concours sur titre » est en débat dans le cadre de la réforme de la fonction publique territoriale (loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, ordonnances). Ces accès sur certification professionnelle permettraient d’évoluer vers une fonction publique de métiers et de faciliter ainsi les mobilités professionnelles (public-public, public-privé, privé-public).

Pour aller plus loin :